Avec la transformation du marché de l’art et la hausse du prix des œuvres, la globalisation des échanges, le développement d’Internet et l'apparition de réseaux mondiaux de vente en ligne, la contrefaçon artistique est devenue, tout comme la contrefaçon des marques, une véritable industrie.

Chaque année, plusieurs milliards d’euros sont dépensés dans ce trafic illicite à l'échelle internationale, ceci aux dépens des collectionneurs et au profit du crime organisé transnational. Il est urgent d'alerter le public sur les dangers croissants qui menacent le patrimoine culturel. L'action engagée par la Fondation Alberto et Annette Giacometti depuis 2003 a contribué au démantèlement de réseaux de contrefaçons internationaux, et à une prise de conscience généralisée des enjeux de la lutte contre la contrefaçon.

AFFAIRE SENKE

L’intervention civile de la Fondation Alberto et Annette Giacometti dans la procédure du Tribunal régional de Stuttgart contre M. Lothar Senke, le principal accusé dans l’affaire des nombreuses fausses sculptures de Giacometti, a permis un verdict condamnant le faussaire allemand à 9 ans de prison pour contrefaçon d'œuvres  d'art en bande organisée.

Il s’agit de la plus importante affaire de contrefaçon d’œuvres de Giacometti, portant sur près de 1020 bronzes et plâtres saisis par la police allemande, alors qu'un grand nombre de contrefaçons avaient déjà été écoulées sur le marché. Le faussaire a été reconnu coupable de 38 des 50 actes criminels dont il était accusé, parmi lesquels l’atteinte aux droits d’auteur d’Alberto Giacometti à grande échelle.

L'affaire Senke a commencé en 1993 après le décès d'Annette Giacometti. La veuve du sculpteur avait défendu avec vigueur, pendant près de 27 ans, le droit moral de son mari (décédé en 1966). Mais après 1993, la protection de l'œuvre d'Alberto Giacometti n'était plus vraiment assurée, ceci pendant une décennie - soit jusqu'à la constitution en 2003 de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, qui défend aujourd'hui l'œuvre.

Profitant de cette situation, Lothar Senke avait commencé par commercialiser de vilaines répliques "uniques" en bronze, puis il s’était enhardi et proposait des éditions numérotées de sculptures contrefaisantes et même des plâtres imitant les plâtres originaux.

La police allemande ayant saisi des contrefaçons de Giacometti en 2001, Véronique Wiesinger, conservatrice en chef du patrimoine et future directrice de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, a été missionnée dès 2002 par le Ministère de la Culture, comme expert auprès des services de police allemands.

L’activité de Lothar Senke a vite pris des proportions considérables, si bien qu’en 2007, la Kunsthalle de Mannheim a célébré son 100e anniversaire avec une exposition dans laquelle les 6 œuvres de Giacometti présentées étaient en fait des contrefaçons.

Le faussaire a finalement été arrêté par la police allemande en août 2009 à Francfort, alors qu'il essayait de vendre 5 de ses faux bronzes dans une transaction frauduleuse avec un policier sous couverture qu'il avait pris pour un amateur d'art.

Son complice, le marchand d'art Herbert Schulte, avait loué à Mayence un entrepôt de 200 mètres carrés, dans lequel la police a découvert un impressionnant ensemble de près de 1020 contrefaçons de sculptures d'Alberto Giacometti, grossièrement réalisées à partir de photographies.

Pour tromper ses victimes, Senke se prétendait aristocrate, descendant du comte de Waldstein, et assurait avoir rencontré Diego, le frère d'Alberto, qui lui aurait donné ces sculptures. Ses contrefaçons grossières, le plus souvent fabriquées en Thaïlande, étaient accompagnées de faux certificats d’authenticité, signées soit par le "Reichsgraf Von Waldstein" (Senke lui-même) soit par James Lord, biographe controversé d'Alberto Giacometti.

On sait aujourd'hui que Senke, Schulte et leurs complices ont pu écouler plus de 200 sculptures au cours des 7 années qui ont précédé leur arrestation, réalisant des gains évalués à plus de 8 millions d'euros.

Le tribunal de Stuttgart a ordonné le 30 juin 2011 la destruction de la plus grande partie des sculptures contrefaisantes. Malheureusement, en vertu de la loi allemande, les contrefaçons qui appartenaient à des propriétaires escroqués leur seront rendues et il y a fort à craindre qu'elles se retrouvent un jour sur le marché.